Faut-il payer l’énergie au prix fort ?
« Quelle que soit leur couleur politique, leurs choix budgétaires, ou leur taille, toutes les collectivités territoriales font face au problème du coût de l’énergie, sans exception, quels que soient leurs efforts de limitation des gaspillages.
Les collectivités territoriales ont besoin d’un soutien fort et pérenne que ne peut aujourd’hui leur garantir ni le bouclier tarifaire ni l’amortisseur, ni le filet de sécurité.
Nous demandons au Gouvernement de permettre à l’ensemble des collectivités territoriales de bénéficier des tarifs réglementés d’électricité et de gaz. »
C’est le texte de la motion que nous avons proposée au conseil municipal du 16 décembre 2022. Mais, alors que l’association des maires de France ou la ville de Portes-les-Valence et d’autres, ont interpellé le gouvernement sur les tarifs de l’énergie, Hervé Mariton n’ a pas voulu que cela soit débattu au conseil municipal de Crest ni en novembre, ni en décembre, dans le cadre des débats budgétaires, remettant à un hypothétique plus tard.
Dans un contexte d’envolée des prix, la part du budget consacré aux dépenses énergétiques par les collectivités augmente. Afin de préserver les services publics mais aussi les investissements locaux, l’établissement d’un bouclier tarifaire est nécessaire pour toutes les collectivités. Il est nécessaire pour gérer les budgets de bénéficier de tarifs stables et ne dépendant pas du « marché ».
Depuis le mois de septembre 2021, nous connaissons un emballement historique des prix de l’énergie, qui ne reflète en rien les coûts réels de production du mix énergétique français.
Le prix du gaz a connu une succession d’augmentations. Pour l’année 2021, ce sont +10% en juillet 2021, +5% en août 2021, +8,7% en septembre 2021, +12,6% en octobre 2021, +15% au 1er novembre 2021. Depuis le printemps 2022 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix du gaz sur le marché connaissent une hausse record atteignant jusqu’à 345 euros le MWh en août 2022. Ces derniers se stabilisent aujourd’hui autour de 104 euros le MWh contre 38 euros le MWh à la même époque l’an dernier.
Face à cette évolution, le bouclier tarifaire n’a pas su contenir la hausse pour tout le monde. En effet, seuls les tarifs réglementés du gaz ont été gelés ; pour les consommateurs, les collectivités et les entreprises qui n’en bénéficient pas, la hausse des prix a bel et bien été un choc.
Le constat est le même pour les prix de l’électricité qui connaissent une hausse continue depuis plus de 10 ans (+52% sur cette période). Au mois d’août 2022, le prix de l’électricité a même atteint 1 000 euros le MWh alors qu’il était de 40 euros au début de l’année 2021.
Cette hausse historique n’est donc pas seulement conjoncturelle ; elle est l’aboutissement d’un processus que la crise actuelle a accéléré.
Pour les communes et les collectivités, il ne faudra pas seulement choisir entre fermer plus souvent la salle des fêtes, la piscine, ou baisser le chauffage dans les écoles, les bibliothèques, centres sportifs, piscines, crèches, EHPAD publics, etc, il faudra aussi renoncer à faire fonctionner certains équipements sportifs ou restreindre l’éclairage public nocturne. Des impacts sont aussi à craindre sur le traitement de l’eau et la gestion des déchets, pour ne citer que quelques exemples parmi les missions de service public les plus énergivores.
La ville de Crest a choisi de baisser le chauffage dans les bâtiments communaux et d’éteindre l’éclairage nocturne entre 22h et 6h. Elle a augmenté ses prévisions budgétaires pour la dépense d’électricité de 180k€ en 2022 à 380 k€ en 2023.
Crest est membre du syndicat départemental des énergies de la Drôme – SDED, mais sans action de l’État, l’augmentation des prix se répercutera inévitablement sur le quotidien des citoyennes et citoyens : hausse d’impôts d’un côté ou baisse de l’offre de services de l’autre. Aucune de ces solutions n’est satisfaisante. La municipalité crestoise se glorifie de ne pas avoir augmenté les impôts, mais regardons l’état des rues et des trottoirs….
Afin de préserver les services publics mais aussi les investissements locaux essentiels à la reprise économique et à la transition écologique, l’établissement d’un bouclier tarifaire est nécessaire pour toutes les collectivités. Par exemple, le syndicat des irrigants drômois (SID) a expliqué que des investissements pour améliorer l’arrosage et économiser l’eau ont été abandonnés.
Dans un contexte de forte volatilité des prix du marché de gros de l’électricité et parce que l’énergie est un produit de première nécessité non substituable, il est impératif que les collectivités locales et les groupements qui le souhaitent puissent revenir au tarif réglementé de vente (TRV) de l’électricité et que ce dernier soit pérennisé.
Il est également nécessaire que la méthode de calcul du TRV soit modifiée. Ce fonctionnement, construit sur l’empilement des coûts, a pour seul objet d’établir une concurrence tarifaire effective sur le marché de détail de l’électricité, mais pas une baisse des tarifs.
Pourtant, comme le souligne l’Autorité de la concurrence, aucun débat public n’a véritablement eu lieu sur l’évolution des TRV vers un prix plafond. La loi leur assigne toujours une fonction de cohésion sociale et territoriale et les textes issus de la loi NOME laissent une grande latitude d’interprétation, non seulement quant aux nouveaux objectifs que devraient poursuivre les TRV mais également quant à la méthode d’établissement du tarif.
La crise que nous traversons nous invite à nous remémorer la finalité première des TRV : la protection des usagers, de tous les usagers. Ce n’est pas le « filet de sécurité » bricolé par le gouvernement fin novembre 2022 qui va régler le problème de façon pérenne. (Ce « filet » permet officiellement à des collectivités en difficulté de bénéficier d’un soutien de l’État pour faire face à l’augmentation de certaines dépenses, à hauteur de 70 % des hausses de dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achat de produits alimentaires constatées en 2022. )
La réglementation des tarifs de l’électricité s’est historiquement justifiée par la nécessité de préserver la compétitivité économique des entreprises, le pouvoir d’achat des ménages et l’égalité territoriale et ce, dès sa mise en place dans la loi de 1946 ayant institué un service public de l’énergie. Elle est la marque de l’intervention publique dans un secteur hautement stratégique et serait, dans la période, un nécessaire engagement de l’État pour préserver les collectivités territoriales.
Il est nécessaire que l’ensemble des collectivités territoriales soient éligibles au bouclier tarifaire, par l’accès à un tarif réglementé de vente de l’électricité décorrélé des prix du « marché », idem pour le gaz en revenant sur l’extinction programmée au 1er juillet 2023 du tarif réglementé de vente du gaz afin que les collectivités locales (et les particuliers) puissent continuer à en bénéficier.